Auteure : Marie-Pierre Leconte
Éditrice : Marie-Pierre Leconte
Illustratrice : Marie-Pierre Leconte
ISBN : 9782957504954

date de sortie 1ère édition : janvier 2022 - 2ème édition : novembre 2022
Reliure : Livre broché - 604 pages
Format : 148x210

Ǿ - Frioul - livre 3 :

21,50 €

+ 6 € de frais de port

Ǿ Frioul

Extrait :

Des branches de palmiers qui volaient à l’aveugle fouettaient la bulle d’air de leurs pointes acérées, menaçant à tout moment de la rompre. Chaque coup porté contre l’enveloppe protectrice faisait sursauter les apprenties, qui se serraient les unes contre les autres malgré leur volonté de paraître fortes, à la hauteur de leurs mentors.

Ceux-ci ne paraissaient effectivement pas démesurément impressionnés par l’expérience, seulement légèrement dubitatifs.

- Tu sens quelque chose de particulier ? demanda Virh à sa compagne.

- On peut dire ça, oui. J’ai l’impression de tenter de communiquer avec un Matorien d’il y a vingt ans. Tu sais, je lui dis « on peut parler tranquille un moment » et il me répond « va te faire voir » en sortant son fusil. Un truc dans ce genre…

- Je ressens ça aussi avec l’Eau, renchérit Yahé. Elle m’obéit parce que je la maîtrise, mais elle n’y met clairement pas de la bonne volonté ! C’est comme si les Éléments, ici, étaient… sauvages, quand chez nous ils sont apprivoisés ! Et la Terre, elle te dit quoi, à toi, Virh ?

Les jambes encore tremblantes des remous subis par la chaloupe, Virh sauta sur le sable, et posa une main sur le sol.

- La Terre d’ici est perturbée, c’est rien de le dire. Sylo, approche, viens sentir ça.

La jeune Ǿ descendit prudemment de la chaloupe à laquelle elle resta comme soudée, de peur de frôler la paroi de la bulle d’air. Comme son mentor, elle plongea une main dans le sable humide, le regard planté dans celui de Virh.

- Je sens… Je sens quelque chose ! s’exclama-t-elle toute surprise. La Terre, tu as raison, elle semble… en colère. C’est possible, ça ?

- Ça signifie qu’il faut s’attendre à un séisme ? demanda Poti. Parce que si c’est le cas, j’aimerais autant essayer de nous transporter ailleurs !

- Non… Pas un séisme… Autre chose… Je ne sais pas…

- Tu nous aides beaucoup, là, mon amour !

- Il faudrait que nous nous rapprochions de la falaise, là-bas. Je crois que je sentirai mieux ce qui cloche. Tu peux nous y amener dans ta bulle ?

Poti ne prit pas la peine de répondre. Elle se sentait proche de l’épuisement, comme jamais elle ne l’avait ressenti. D’un hochement de tête, elle fit signe à ses compagnons de la suivre. Le groupe progressa sur une centaine de mètres avant d’atteindre la paroi rocheuse.

- Merci ma belle. Je vais prendre le relais.

- Ah ? Tu sais faire des bulles d’air, toi ? Enfin, des bulles d’air protectrices, j’entends… Parce que pour les autres, je sais déjà… dit Poti en se pinçant le nez.

Virh lui sourit tendrement et se plaqua contre la falaise. Collé à la roche dans une posture très sensuelle qui ne manqua pas d’étonner le groupe, le Ǿ lui murmura, sans aucun doute, des mots doux, car celle-ci, d’abord imperceptiblement, puis de façon évidente au bout de quelques minutes, se fendit sur environ deux mètres de hauteur. Dans un fracas de tonnerre, elle libéra un espace d’une dizaine de mètres carrés dans lequel Virh invita ses amis à le suivre.

- Heu… Tu es sûr de toi ? demanda Yahé. Tu ne nous parlais pas d’une Terre en colère tout à l’heure ?

- Mais oui ! Tu es certain qu’elle ne va pas se refermer sur nous et nous aplatir comme des galettes ? questionna Poti à son tour.

- Aucun risque, vous pouvez y aller !

Yahé fut le premier à suivre Virh, puis les apprenties lui emboîtèrent le pas, pas forcément rassurées par cette nouvelle expérience qu’on leur proposait. Poti ferma la marche et s’effondra sur le sol rocheux, libérant l’Air qui les avait protégés jusque-là. Le groupe le regarda filer en tourbillonnant jusqu’à la chaloupe échouée sur le sable et l’emporter se fracasser contre un amas de rochers, un peu plus loin.

- Ça va ma belle ? s’enquit Virh en caressant le visage livide de sa compagne. Tu vas tenir, hein ?

- Bien sûr que je vais tenir… Mais dis-moi, tu lui as fait quoi et tu lui as dit quoi, à cette falaise, pour qu’elle s’ouvre comme ça ?

- Oh, c’est un truc d’homme, tu ne peux pas comprendre… Toi, tu te laisses pénétrer par l’Air, c’est ça ? Et bien moi je pénètre la Terre ! lui répondit-il dans un grand sourire, visiblement très satisfait de lui.

Poti secoua la tête, peut-être de dépit, et ferma les yeux, épuisée.